Nature Temple

by Alice Baude

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lyrics

La nature est nue. La nature à nu ce poème pour m’inventer un passage en dedans. Flot d’une rivière comme un temps suspendu hors du temps. Les arbres vétérans comme ces stèles qu’on érige en hommage aux morts. Ici, hommage au vivant. Hommage au présent abyssal de fragilité et de stabilité. La nature ; égale à elle-même. C’est-à-dire indomptée, surprenante, magnifique, terrifiante. La nature ; temple. La nature est nue. Elle n’a pas de mots. Elle a ce qui existe. Elle fait poésie d’elle-même. Egale à elle-même. Changeante et redoutable. Elle inscrit en nous par nature une empreinte de sacré. La Nature est nous. De ce temple, que nous faisons nôtre, la transcendance opère. Elle est une marque à la poitrine. La transcendance se passe de mots. Elle est chair. Elle est au-delà. Boue et pierres. Calme et forte –mais jamais fausse.
Temple. Toit. Piliers. Fondation.
Engagement par l’esprit, haut voltige du temple pour prier. Arbres, rochers, chemins, broussailles, piliers des abords du temple. Fondation racines, allant loi, loin dans l’ancrage. Nature qui nous dépasse. Nature que nous sommes. Pesanteur fatale. Indiquée par les astres, notre capacité à mourir vite et à détruire longtemps. Passage du temps en quelqu’étoiles. Vivante. Tellurique abandon à la nature comme mère première. Mère primaire. Se couvrir de la toison verte. Devenir transparente de canopée. Fondue dans le corps du mont. Balayage du vent. Temple qu’honore le vent. Sons de souffles. Quels sont les souffles qui portent à mes côtés la tiare de la conscience ? Qui est là ?
Habitent ici les éboulis minuscules et les puissantes rafales. Partout, rugissent les silences gris et les permanentes pulsations. Le pouls de la Terre. Organique matière pétrie par le Temps. Mirage dépassé des temporalités. A l’instant, il n’y a qu’ici. Il y a tout ici. Ici. Il y a à l’instant tout maintenant. C’est maintenant. C’est barbare d’entrer dans le temple sans honorer sa porte. Porte du temple comme sexe d’une fille devenant mère, la Nature t’accueille et en son sein, tu la reçois. Réceptivité en abyme. Venir au monde avec un paquet de doutes pour déstabiliser ces piliers. Je réinscris l’hommage pierre après pierre. La communion avec le mouvement est unanime. Elle prend la voix de poitrine et lance : « Reconnais ton temple ». Elle prend la voix de cœur et invite à se regarder, en dedans, et à y reconnaître le talisman connu de celles qui marchent. La Nature est un temple dont nous renouvelons le sacre. Dont nous abandonnons le lendemain. Car dans la Nature il y a la mort emmêlée, il y a la pérenne cascade incestueuse entre la magnificence et le hideux, entre le feu de joie et l’orage dévastateur, entre le temple et le tombeau. Célébrer la vie. Célébrer la mort. Mariage des inscriptions anciennes et des errances d’aujourd’hui. Incertitudes dont nous sommes le fruit. La Nature est un temple où le Destin chante des prières et où la Fatalité n’a plus de nom.
Et habitant nos fourmilières, nous oublions de considérer les sommets qui tout autour font couronne.
Nappes de pluies qui couvent leur tristesse. Pélerine de fortune sous un parapluie si grand, je marche le long des ravins. Il n’y a que les eaux qui perlent sur ma toile bleue, il n’y a que mes rages qui, rendues à la nature, se déposent. Aux pierres. Roches escarpées de silence. Un animal inaudible passe. Peut-être. Sentier gorgé, sentier raide, sentier de bout du monde où l’on aborde le « nulle part ».
Je sais où je vais, mais je ne vois pas encore la destination. Sensation d’être suivie. Je me retourne. Le parapluie froisse les nuages. Il n’y a personne.
Il n’y a personne mais le lendemain il y a la neige. Elle est passée dans le silence des absents. S’est déposée au sommet. Saupoudrée montagne.
La Nature t’apporte toute forme de réponse. Même celles que tu ne cherches pas. Elle te les dit. Elle te les souffle : que tu es seule et puis pas vraiment. Tu es aussi investie par les mousses, assise aux fraîches pierres, tu es le gargouillis de la rivière, tu es là et tu es là, voilà.
Tu as le droit d’être là. Tout vacille dans le jour qui dure. La Nature est le temple dans lequel tu pries l’impermanence de jouer son rôle. Tout évolue de patience. Prend l’avantage avec ton adhésion entière, muette et pure à cette Nature de monts et de roches vermeils.
Merveilles, désinvesties de leur caractère fantastique. Passage d’une biche, longs échanges de regards. Elle et moi nous regardons dans l’immobilité nue des personnes qui n’ont pas de langage commun. Je continue ma route. Elle se retourne. Nous partons. Nous ne quittons pourtant pas ce temple ; car il n’a pas de murs. Ses piliers sont vivants. Asseyant ma pensée échaudée d’humanité sur cette roche fraîche de la rivière, je relis ce que la Nature-Temple me signifie d’évidences et sa noblesse impassible me surprend.
La Nature est papesse. Radicale et intransigeante. La Nature est généreuse et en même temps, elle ne fait pas de cadeaux. Elle est. C’est tout. Elle est, dans le nuancier des saisons que nous appelons « beau » ou « laid ». Elle est hors du narcissisme, de l’égo, de la façon de dire « je » : elle est, elle est hors de moi, elle est moi, elle est indépendante et intrinsèque à toute vie humaine, elle n’a pas besoin que je la décrive, elle n’a pas besoin que je la chante, elle vient juste faire ce qu’elle fait : elle vit, elle meurt, elle est, elle est tout court.
Talisman immense et précieux, sauvage et indocile. La Nature sublime ne demande pas d’être sublimée. Elle est. Hors du temps. A l’intérieur de tout. Des milliards de millénaires, aboutis d’instants. Un instant par un instant. La nature décline et naît incessamment tout en même temps. Elle mêle aurore et crépuscule.
C’est aussi la langue des rivières, qui d’évaporations en écoulement se renouvellent sans cesse et renaissent. La Nature fait des cercles dans l’espace. Une longue courbe ininterrompue et infinie. Elle court encore. Elle courra, après. Je m’en vais, autre, vibrer sur d’autres rives à cette onde-là.
Vouée à dormir un jour, j’orne ma vie humaine d’une écoute entière des frôlements. La Nature reste nue. Elle reste d’une patience inentendable, respirant siècle par siècle, et je me fais le relais des anciens pour chanter celle-ci. Comme eux j’irai, après, et de sa vaste permanence j’entendrai le souffle encore et encore, je ne sais où.

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released April 21, 2022

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